
Je viens de visionner la dernière vidéo de Pacôme Thiellement, consacrée à la révolution surréaliste — et en grande partie à Antonin Artaud — et j’aimerais en partager quelques impressions à chaud.
Sans savoir exactement pourquoi — est-ce le texte, le sujet qui m’est cher, la mise en scène ou la performance elle-même ? — j’ai été, par moments, intimement touché. Or il est devenu rare, pour moi, qu’un travail produise encore un tel effet. Je tiens donc, d’un point de vue très personnel, à remercier Pacôme pour ces moments d’enthousiasme devenus précieux.
Ce qui s’impose d’emblée — comme dans l’ensemble de son œuvre —, c’est la solidité d’un véritable travail d’exégèse historique, attentif aux détails, aux sources et aux zones d’ombre. Pacôme mène une enquête de plus en plus précise, nourrie d’archives souvent difficiles d’accès et de données particulièrement fines. Mais plus que cette rigueur, que d’autres possèdent également, c’est sa capacité singulière à relier des éléments qui, à première vue, semblent sans rapport, qui retient l’attention. Il les fait dialoguer, révélant que faits, concepts et œuvres ne sont jamais isolés, mais s’inscrivent dans un ensemble vivant, profondément cohérent.
Dans cette perspective, des figures comme Nadja, André Breton, Robert Desnos, Colette Thomas, Aragon, Staline, le surréalisme lui-même, le communisme ou encore Antonin Artaud cessent d’être de simples références historiques. Elles deviennent des symboles : des foyers de forces où circulent tensions, désirs et ruptures. Ce qui importe alors, ce ne sont plus les événements pris isolément, mais les analogies, les déplacements, les correspondances. C’est dans ces mouvements que se révèle l’esprit de Pacôme : un esprit en perpétuelle combustion, qui ne fige jamais les formes mais les met en relation, afin de restituer à ces expériences leur puissance vivante et leur capacité d’agir sur le présent.
Ce qui rend son travail véritablement décisif, à mes yeux, c’est que cette exigence ne se perd jamais dans l’érudition pure. Elle se met au service d’une pensée philosophique, politique active, actuelle et pourtant hors du temps. Une pensée qui puise à des sources essentielles et cherche moins l’accumulation de savoirs que la justesse d’un sens. Pacôme travaille à partir d’une pensée qui privilégie la cohérence intérieure à la démonstration, l’orientation au verdict. Comme toute pensée fondée sur l’unité, la sienne a cette capacité rare de parler à chacun différemment, selon ce dont il a besoin, là où il se trouve.
Son œuvre est celle d’un inspiré, au sens fort du terme. Il me semble essentiel de suivre ces voies, même lorsqu’elles déroutent ou résistent à la compréhension immédiate. La beauté de son travail tient aussi à cela : il s’agit d’une enquête qui, à l’image de Twin Peaks, recèle des secrets et récompense les curieux qui persistent. Peut-être même que Pacôme, en suivant son intuition avec une telle fidélité, ne mesure pas toujours la portée de ce qu’il met en mouvement — mais cela importe peu au regard du résultat.
À la manière d’un alchimiste, il œuvre selon des règles intérieures très précises. Il ne choisit pas ses thèmes en fonction de l’attente ou du consensus, mais selon une logique propre, rigoureuse et intime. Ce faisant, il ouvre des associations inédites, emprunte des chemins rarement explorés et fait naître — sans effet de manche — de véritables éclats de pensée.
Son travail n’est ni une posture ni une formule : c’est un geste réel. On y trouve des propositions qui aident à penser, mais aussi à vivre ; des déplacements concrets, des ouvertures effectives. Comme dans toute œuvre qui ne se contente pas d’exposer du savoir, il y a ici une densité capable de toucher chacun différemment.
C’est pourquoi on ne peut que l’encourager à continuer de suivre sa voix — et sa voie. Il trace, pour ceux qui savent voir, des chemins : vers de nouvelles manières de penser, et peut-être aussi de se tenir dans le monde. Pacome inconsciemment pose les fondations d’une véritable révolution de l’esprit sur un plan politique et humain.
Cette vidéo possède enfin une vertu rare : elle inspire. À peine terminée, je me suis mis à écrire sur Artaud et le surréalisme, sans frein, de manière instinctive — avec le souci constant de ne pas répéter ce qui a déjà été dit dans la vidéo de Pacôme, mais au contraire d’en prolonger les lignes de force, d’en déplacer les enjeux et, autant que possible, d’en ouvrir de nouvelles pistes. J’espère pouvoir partager ce texte avec vous dans les heures à venir — ou, à défaut, dans les prochains jours. Voici la vidéo de Pacôme : https://youtu.be/WlgJwLcmPGM?si=t8kb4gwSzHuG6hA4
