Nous recevons régulièrement des questions de lecteurs curieux de connaître notre identité, nos travaux publiés sur Artaud et nos positions concernant les diverses affaires posthumes le touchant. Un lecteur nous a récemment fait remarquer que, bien que nous discutions abondamment d’Artaud, nous restons discrets quant à nos propres contributions, nos positions sur ces diverses affaires, ainsi que sur les raisons de la gratuité et nos motivations profondes. Cette discrétion n’est pas due à un manque d’opinions ou à une réticence à partager nos travaux, mais à une conviction profonde de mettre en lumière la pensée d’Artaud plutôt que nos personnalités ou nos perspectives individuelles.
Écho Antonin Artaud, n’est pas un espace de division, mais un lieu de rassemblement et d’échange, ouvert à tous, qu’ils soient spécialistes ou simplement passionnés par son œuvre. Notre revue se veut un canal fiable et à jour pour transmettre des informations sur Artaud, sans prendre parti dans les débats externes à son œuvre.
Nous comprenons l’intérêt de nos lecteurs pour les auteurs derrière la revue, mais notre focalisation principale reste sur les écrits d’Antonin Artaud. Vu l’insistance de certains de nos lecteurs et afin d’éviter de répondre systématiquement par mail à ces interrogations, nous avons préparé un numéro spécial anniversaire de 40 pages qui regroupera nos divers travaux concernant Artaud et répondra à certaines de vos questions. Ce numéro, dans lequel nous dévoilons nos pensées les plus intimes, est déjà prêt. Même si nous l’avons déjà envoyé à certaines personnes, ce n’est pas un numéro que nous mettrons en avant. Parler de nous, est anecdotique par rapport à l’œuvre et à la pensée d’Antonin Artaud. Officiellement, il sera disponible dès juin, uniquement pour ceux qui en feront explicitement la demande. Inutile de préciser que, comme il ne se concentre pas principalement sur Artaud lui-même, il ne sera pas inclus dans la numérotation officielle de la revue ni publié sur notre blog.
Dans notre dernier ouvrage Artaud le marteau, asiles, drogues, électrochocs, nous analysons quelques lettres rares d’Artaud, telles que celle envoyée au célèbre médecin Alexis Carrel depuis le Mexique, ou encore deux lettres de janvier 1943, signée « Antonin Nalpas », adressée au docteur Donnadieu, médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Chezal-Benoît, juste avant son départ pour Rodez.
1) Le 15 avril 1936, depuis Mexico, Antonin Artaud a adressé une lettre au Dr Alexis Carrel en réaction à son ouvrage L’Homme, cet inconnu : « La vie ne peut être guérie que par des thérapeutes, je ne veux pas dire des médecins. Et le mot Thérapeute a heureusement conservé ce vieux sens : d’homme averti du monde, qui, dans la maladie, a une vue souveraine du monde, mais cette vue, elle s’apprend par le dedans. Vingt-cinq ans d’études, dites-vous, pour apprendre la science ? Pour rassembler en soi une mosaïque anarchique de notions et de morceaux ! Excusez-moi, Monsieur, mais l’esprit cartésien, hypertrophié par le capitalisme spirituel de l’Amérique, vous a à tout jamais infecté la conscience. Et c’est dommage, car j’admire votre puissantehonnêteté. »
Cette lettre, mentionnée par Alain Drouard dans son ouvrage sur la Fondation Carrel, a été publiée dans un article d’Étienne Lepicard dans la Revue d’histoire de la Shoah. L’original de cette lettre est conservé dans les archives Carrel de l’Université de Georgetown.
2) Extrait d’une lettre de janvier 1943 adressée au docteur Donnadieu médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Chezal-Benoît : « J’ai eu l’occasion de vous toucher un mot hier matin quand vous êtes passé au pavillon de mon effroyable état de sous alimentation et vous avez pensé depuis que seul un mort pouvait avoir faim mais qu’on ne pouvait pas être aussi mort que je le suis et vivre encore de ce côté des choses sans que le miracle et la magie ne s’en mêlent. Car c’est uniquement de cela qu’il s’agit dans mon cas. Et l’erreur d’identité que je subis depuis plus de cinq ans que j’ai été ramené d’Irlande en est entre autres choses une preuve. (..) Il y a un livre d’Antonin Artaud que j’aime beaucoup. Il s’appelle Le Théâtre et son double et a été publié par la N.R.F. Signée Antonin Nalpas. »
3) Extrait d’une lettre du 27 janvier 1943 adressée au docteur Donnadieu (Chezal-Benoît) : « Il y a dans mes affaires personnelles et accompagnant un passeport au nom d’Antonin Artaud et qui est celui que le Régime Français m’attribue, un petit objet ayant pour moi valeur de talisman […] et dont j’aimerais qu’il me soit restitué maintenant. Il a été inscrit sous la dénomination de coupe-papier […] mais ce n’est pas pour moi un coupe-papier c’est un objet religieux et sacré auquel je tiens comme à une croix, un chapelet […] il a pour moi pouvoir de protection contre le Mal et ses mauvais esprits. C’est une toute petite épée miniature et qui est le modèle suivant lequel a été fondue et trempée Durandal de Roland […]. Me la faire rendre serait accomplir pour moi un acte libérateur et de votre part un geste de piété. »
Je tiens absolument à vous mentionner un document très rare et précieux : il s’agit des souvenirs personnels de Cécile Schrammer dédiés à Antonin Artaud. En 1935, cette jeune Belge a rencontré Artaud chez René Thomas. Elle a partagé des moments avec lui et Sonia Mossé avant son départ pour le Mexique, alors qu’elle n’avait que 24 ans. À son retour à Paris, Artaud a même logé pendant un temps dans son appartement rue Mazarine. Le 23 février 1937, Artaud lui a écrit : « J’ai été hier toute la journée dans un état de dépression qui ne m’a pas permis de venir vous voir. Si je me sens un peu mieux, je passerai ce matin. » (VII, 162)
Dans son journal intime, Cécile écrit : « Artaud faisait naître chez les femmes ce sentiment qui leur est naturel, l’instinct maternel, le désir de le soigner, de lui faciliter la vie matérielle. Il aimait beaucoup cela d’ailleurs et tout Montparnasse savait que Sonia lui avait rapporté une cravate de Londres. Il l’exhibait comme un très jeune homme. (…) Il s’enfermait comme une jeune fille dans la salle de bains, et chaque fois c’était des cascades d’eau et des grands bruits de frictions, de brossage. (…) La vie avec Artaud était riche à chaque minute. On se sentait intéressé puis éveillé à quelque chose de neuf, une sorte de mouvement intérieur vous animait, le rythme de la viechangeait. » Usé de sa vie de vagabond, Artaud décide de la demander en mariage et mener enfin une vie de pantouflard.
La rencontre d’Artaud avec les parents de Cécile à Bruxelles, en mai 1937, ne s’est pas déroulée sans heurts. On raconte que quand il logeait chez ses parents au 8, rue des Mélèzes à Ixelles, la mère de Cécile, bourgeoise aux nerfs tendus, en rencontrant Artaud, s’écria : « Quelle horreur ! » Lors d’une visite des hangars de tramways dirigés par le père de Cécile, Artaud lui a demandé : “Et vous, vous ne les égarez jamais dans le désert ?” Inquiet, le père de Cécile a demandé à sa fille : “Il n’est pas un peu toc toc ?”
Finalement, le projet de mariage est tombé à l’eau.
Cécile est, à ses yeux, « un mélange de sublimité et de hideur, de duplicité, de mensonge, de dévouement, d’élans et d’amour passionné. » Cette rupture, il a du mal à la digérer. « J’apprends, par exemple, que Cécile mène une véritable campagne de calomnie auprès de toutes sortes de gens connus pour leur faire croire que je suis fou et que j’ai des crises. » (VII, 180) Artaud part pour l’Irlande et connaît le destin que nous savons tous.
Dans les asiles, Cécile fait partie des “filles de cœur” d’Artaud. Cependant, il arrive qu’il se montre coléreux envers elle, comme le montre une lettre du 30 juin 1939 à Ville-Evrard, retenue par le Dr Fouks : « Je chie sur toi Schramme et tu n’auras pas d’héroïne, et c’est moi qui t’ai enlevé hier ton héroïne vitale, et tu es une catin d’ordure et celui dans moi qui voudrait te pardonner, je lui ai tranché à jamais la tête et si l’héroïne d’Anne Manson ne me vient pas entre les mains aujourd’hui, je te condamne à avoir les yeux crevés simultanément avec l’esprit et l’âme, une fois par jour pendant sept éternités. »
Juin 1946 – Cécile lui manque et il aimerait bien la revoir. Par des amis communs, il apprend qu’elle vit à Bruxelles : « Cécile, Vous vous étonnerez que je vous écrive avec insistance. J’ai eu de vos nouvelles pour la dernière fois en février 1940 par Sonia… Puis le bruit a couru de votre mort. Jean Paulhan me l’a même confirmée par une lettre. Nos divers amis que j’ai trouvés en rentrant, c’est-à-dire après six ans d’internement, m’ont dit que vous aviez habité l’hôtel Saint-Georges il n’y a encore qu’un an et demi et que vous étiez rentrée à Bruxelles. Je vous le redis, je suis sûr que vous m’avez oublié et que je suis devenu sans aucun intérêt pour vous. Mais peut-être qu’en faisant un petit effort sur tel recoin enfoui de votre âme, trouverez-vous une Cécile Schrammer qui ne m’a jamais oublié, n’a cessé de repenser à vous, morte, a pris l’âme d’une petite fille de six ans (1940 à 1946) et serait heureuse de me revoir. Il n’y a plus rien Cécile, que ce que l’amour vous a donné, veut peut-être encore vous donner, et en tout cas vous réclame, car lui au moins ne s’est jamais laissé assassiner… »
Un jour, il a demandé à une amie, Alix Guillain, qui partait pour Bruxelles, de faire des recherches pour la retrouver là-bas. Celle-ci la trouve dans une maison de santé. « Cécile Schrammer, selon elle, était vieillie avant l’âge, le visage à demi paralysé, le teint autrefois si éclatant, irrémédiablement gâté. Elle déclara ne plus vouloir entendre parler d’Antonin Artaud. »
Cécile, quant à elle, a eu un destin tragique. À force de chercher du laudanum pour Artaud, elle est tombée dans le piège. L’alcool et la drogue ont détérioré sa santé. Cette jeune femme enthousiaste, rencontrée par Artaud quinze ans auparavant, est décédée à l’âge de 39 ans le 6 juin 1950, abandonnée dans une clinique à Ixelle en Belgique.
L’émission ‘Pour en finir avec le jugement de Dieu’ était prévue pour être diffusée le 2 février 1948 à 22h30, dans le cadre de l’émission ‘La Voix des Poètes’. Cependant, Wladimir Porché, le Directeur général de la Radiodiffusion française, a voulu écouter l’enregistrement la veille et a décidé d’interdire sa diffusion. Face à cette décision, Fernand Pouey, qui avait promis une totale liberté à Antonin Artaud, a proposé de présenter l’émission à un jury composé d’écrivains, de journalistes, de peintres et de musiciens. Le 5 février 1948, Fernand Pouey a réuni une assemblée de 50 personnes au studio de la rue François Ier, incluant Georges Auric, J.L. Barrault, René Clair, Jean Cocteau, Paul Éluard, Jouvet, Mauriac, Adrienne Monnier, Jean Paulhan, Raymond Queneau, Ribemont-Dessaignes, Vitrac et le père Laval, ainsi que Max Pol Fouchet, et le dominicain R.P. Laval, qui ont approuvé l’émission lors de cette session spéciale. Malgré cela, Wladimir Porché a maintenu l’interdiction, ce qui a conduit à la démission de Fernand Pouey de son poste. La presse était divisée sur cette affaire, et Porché a suggéré aux journaux de publier le texte ; cependant, seul le journal ‘Combat’ a accepté de publier ‘Tutuguri, le Rite du Soleil Noir’. Le 23 février, Fernand Pouey a organisé une diffusion privée sur invitation au cinéma Le Washington Palace, qui, selon certaines sources, se trouvait dans le 8e arrondissement. Cette projection a permis à des amis d’Artaud, y compris son coiffeur Marcel, d’écouter l’émission. Finalement, le texte de ‘Pour en finir avec le jugement de Dieu’ a été publié par les éditions K en avril 1948, et il aura fallu attendre jusqu’au 6 mars 1973 pour que l’émission soit diffusée. Les photos: 1) La première page de l’édition K, 2) Le document autographe- pétition à l’encre verte est signé par Jean Paulhan, Georges Lambrichs, Pierre Minet, Édouard Helman, Marcel Bisiaux, Dominique Aury, Édith Boissonnas, Charles Autrand…. 3) Le début d’un article très drôle du Canard enchaîné, 4) Deux caricatures de Maurice Henry.
Plonger dans la vie et l’œuvre d’Antonin Artaud, c’est explorer un univers où se croisent génie créatif et tumultes intérieurs. Aujourd’hui, je suis heureux de vous présenter mon projet le plus ambitieux à ce jour : une biographie détaillée et approfondie sur Antonin Artaud. Ce projet ne vise pas seulement à corriger les erreurs passées mais aussi à enrichir et actualiser notre compréhension de cet artiste majeur, à la lumière de nouvelles découvertes.
La genèse de cette entreprise remonte à la relecture de mon premier ouvrage, « Antonin Artaud, l’Anarchiste Courroucé », écrit en 2016, où j’ai identifié des inexactitudes. Cette prise de conscience m’a motivé à entreprendre un travail de révision et d’approfondissement, avec un engagement renouvelé envers l’exactitude et la richesse des informations, d’autant plus après avoir écrit six autres ouvrages sur Artaud et lancé une revue bimestrielle. En effet, bien que les biographies existantes soient excellentes, elles datent de plus de deux décennies et ne reflètent plus l’état actuel de la recherche. De nouvelles informations essentielles ont émergé, éclairant d’un jour nouveau certains aspects de sa vie et de son œuvre.
Cette biographie, sur laquelle je travaille depuis plus de six ans, est presque terminée. Néanmoins, conscient de l’importance de ce travail, je m’engage à prendre le temps nécessaire pour vérifier plusieurs fois la qualité et la précision. Ce projet, né d’une passion profonde et d’une rigueur académique, espère et ambitionne, dans la mesure du possible, d’offrir la biographie la plus détaillé, complète et actuelle d’Antonin Artaud. Par cette démarche minutieuse, j’aspire à fournir une œuvre qui, tout en rectifiant le passé, ouvre de nouvelles voies de compréhension pour les générations futures. Nous révélerons davantage d’informations sur ce projet très ambitieux dans le numéro 7 de la revue Écho Antonin Artaud, qui sortira en mai 2024.
Paule Thévenin est décédée le 25 septembre 1993. De nombreux articles ont été écrits sur elle, exprimant des opinions variées : certains la complimentant, d’autres la critiquant. Personnellement, ne l’ayant pas connue, je m’abstiens de juger qui elle était dans sa vie quotidienne. Ce qui est indéniable, c’est son impact sur la compréhension d’Antonin Artaud. Après plus de 20 ans d’études approfondies sur Artaud, je suis convaincu que sans l’apport de Paule Thévenin, notre perception d’Artaud ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Non seulement parce que sans elle, une grande partie de l’œuvre d’Artaud nous serait inaccessible, mais aussi grâce aux recherches qu’elle a menées pour rendre sa pensée plus claire. Il est remarquable de constater que, même des années après, après les avoir lu et relu, les notes de Thévenin continuent à me révéler des surprises. Au fur et à mesure que mes connaissances sur Artaud s’approfondissent, je découvre, grâce à ses travaux, de nouvelles perspectives sur des aspects que je croyais maîtriser. J’espère que le temps viendra où sa contribution sera pleinement reconnue et appréciée à sa juste valeur. Je ne me range ni parmi ses admirateurs inconditionnels qui l’encensent sans savoir pourquoi, ni parmi ses détracteurs injustes. Étant humaine et non un robot, elle a inévitablement fait des erreurs, tout comme chacun d’entre nous, et moi le premier. Il est crucial de reconnaître que par rapport à l’importance de sa contribution, ces erreurs sont minimes. Alors que les erreurs peuvent être corrigées avec le temps, l’impact et la valeur de ce qu’elle a apporté étaient uniques et ne pouvaient se présenter qu’à ce moment spécifique.
« Un poète à qui l’avenir donna raison écrivait : “Allons ! Je serai compris dans dix ans par les gens qui font aujourd’hui ce que vous faites.” Un poète n’est vraiment poète que s’il est aussi véritablement prophète, car la poésie ne se réalise que là où elle rejoint la prophétie. La prophétie de celui-ci se réalisa. Je la dédie à Antonin Artaud. Son œuvre est celle qui ne se comprend que plus tard. Beaucoup plus tard. » La Griffe du 26 mai 1935.
Ce n’était pas Antonin Artaud. Ce n’était point là l’essence d’Antonin Artaud. Artaud échappe à toute tentative de définition par un simple acte de naissance ou par les contours restreints des documents administratifs. Son corps, reposant au cimetière d’Ivry, n’est qu’une enveloppe. Une coquille pour le clergyman. Artaud, dans son essence, incarne une force vitale, un souffle de vie, un taux vibratoire élevé, un courant magnétique vibrant. Sa perle précieuse ne se réduit ni à un passeport, ni à ce corps transféré à Marseille en 1975 pour reposer dans le caveau familial. Artaud n’est pas davantage cette lettre extraite d’un asile psychiatrique, vendue 4000 euros. Le reflet de sa vitalité (sa lune/perle) sont ses écrits. Ce qui reste encore un peu vivant de ce que fut Artaud, c’est son œuvre : une autre manière de vivre et de penser, un vent de liberté, un principe actif qui défie la puanteur ambiante. Pour insuffler la vie à ce monde éteint, animons-le de guerres de principes, en abandonnant les querelles sur des cadavres motivées par l’auto-plaisance et la cupidité. L’or véritable d’Artaud ne réside ni dans un musée, ni dans un auditorium universitaire. Certes, musées, conférences, cimetières, photographies, notre revue, nos livres, notre futur projet biographique (voir le prochain numéro d’Écho Antonin Artaud) et nos publications anecdotiques, telles que celle-ci, attirent l’attention, nous guident et rappellent son existence. Mais, il est essentiel de se rappeler que si indiquer la lune est important, il ne faut pas fixer le doigt, mais regarder vers la lune elle-même. C’est elle qui éclaire, elle qui réfracte la lumière du soleil. Ce soleil que nous fuyons nous qui avons peur de sacrifier ce corps de merde et le regarder en face, comme Artaud l’a fait. Ce soleil qui a à la fois écorché et réanimé Artaud, tel un hérétique brûlant sur un bûcher.
En écho à la présence d’Antonin Artaud hospitalisé au Rouvray de 1936 à 1937, chaque mois du printemps et de l’été, en lien avec La Factorie – Maison de poésie, le Centre Hospitalier du Rouvray organisera à la tombée de la nuit dans un lieu dédié, une soirée consacrée à la poésie.
🎤 Ainsi des personnalités du monde culturel, médical, économique, politique seront conviées à venir présenter leurs poètes de prédilection.
Parmi les invités, des personnalités telles que Philippe Torreton, Bruno Putzullu, Ernest Pignon Ernest, Françoise Petrovitch,…
Au programme : ✔ 29 mars : Alexis Pelletier et le musicien Sébastien Pallis ✔ 30 avril : Philippe Torreton et Bruno Putzullu ✔ 14 mai : Yannick Marais (Maison Tellier) ✔ 4 juin : Lisette Lombé et Souleyman Diamanka (dans le cadre du festival Terres de paroles) ✔ 31 août : Françoise Petrovitch ✔ 21 septembre : Ernest Pignon Ernest, André Velter et/ou Annie Ernaux
📌 Evénements gratuits, sur inscription. 📍 Maison Papier, Centre Hospitalier du Rouvray – 4 rue Paul Eluard, 76300 Sotteville-lès-Rouen 🕒 Chaque rdv se déroulera de 19h30 à 21h
👉 A l’occasion du lancement des Nuits d’Artaud, découvrez également l’exposition “La Poésie fait le mur” les 29,30 et 31 mars. Exposition des poèmes et affiches de Saïd Mohamed et les élèves de l’école Estienne avec un montage sonore d’Elsa Daynac.
📌 Vernissage le 29 mars à partir de 18h30 📌 Accessible les 30 et 31 mars de 15h à 18h
🔗 Retrouvez toute la programmation et inscrivez-vous dès maintenant pour les Nuits d’Artaud : https://lnkd.in/evHKCeg9
En réponse aux questions de nos lecteurs concernant le masque mortuaire d’Antonin Artaud, nous partageons les premières notes fragmentaires d’un article en préparation pour le numéro 9 de septembre 2024, publié dans la revue Écho Antonin Artaud :
a) Ce masque en plâtre du visage d’Artaud a été réalisé et offert en un exemplaire unique à Jean Paulhan. Plus tard, lors d’une visite chez Jacqueline et Frédéric Paulhan. Paule Thévenin découvre ce masque et décide d’en faire huit reproductions en bronze, auxquelles s’ajoutent deux épreuves d’artiste. Une épreuve est remise à Jacqueline et Frédéric Paulhan. et l’autre à Paule Thévenin. Finalement, Paule Thévenin semble avoir récupéré le masque original en plâtre, qui aujourd’hui est précieusement conservé à la Bibliothèque nationale de France.
b) Sur la couverture du livre L’Affaire Artaud, écrit par Françoise de Mèredieu ou dans A sinister assassin de Stephen Barber figure une photographie de ce masque. Quant à la sculpture en bronze du masque, mentionnée dans le blog navigate.fr, il s’agit d’une réplique réalisée à la demande de Jean Paulhan.
c) L’importance et la signification profonde de ce masque sont mises en lumière par André Voisin, à travers son témoignage dans le film « Artaud le visage », ainsi que dans l’ouvrage « Artaud vivant », co-écrit par Alain et Odette Virmaux : « J’ai immédiatement foncé à Ivry. C’était l’après-midi, quelques amis étaient déjà là quand je suis entré dans la chambre : Adamov, Roger Blin entre autres. Et puis un mouleur était présent, qui venait prendre l’empreinte du masque mortuaire. Artaud était étendu sur son lit, on avait disposé entre ses mains un tout petit bouquet de violettes, c’était très beau. A mon arrivée, le moulage avait déjà commencé. J’ai regardé la scène. Adamov est sorti, je crois : il ne pouvait pas supporter le côté, comment dirai-je, « mécanisé » du mouleur qui faisait son travail comme un plâtrier, tranquillement. Et c’est vrai qu’il y avait dans cette opéra- Pour ma part, je trouvais très beau ce silence, ce calme fantastique qui régnait dans la pièce. Puis le moulage a pris fin, le mouleur a enlevé le masque, et Artaud est apparu couvert d’une paraffine ambrée, comme un vieux guerrier, comme tous les personnages d’un théâtre royal qui n’a jamais été écrit mais vers quoi il tendait. Après cela, le mouleur a peigné ses cheveux, et comme ils étaient encore humides, cela formait de grands rayons, une véritable couronne de cheveux dressés tout autour de son visage. Je me souviens avoir dit à Roger Blin : “Il faudrait le laisser comme ça.” Évidemment, ce n’était pas possible, et le mouleur l’a repeigné normalement. Mais je garde la vision d’un fantastique légionnaire de l’impossible ; c’était comme un soldat du poème essentiel, du chant du monde. Il était allé jusqu’au bout sur ce chemin, et puis il était là, paisible, comme un combattant qui a fini de combattre. »
J’ai trouvé la photo sur le site navigard.fr, sous le titre « Jaqueline Paulhan, masque mortuaire d’Artaud.
Je suis très agréablement surpris d’apprendre grace à François Audouy que la maison d’édition Gallimard va publier, le 5 avril prochain, Héliogabale, une pièce de théâtre inédite de Jean Genet. C’est un texte dont je connaissais l’existence mais que, comme je l’expliquais dans une récente version de mon ouvrage Héliogabale ou l’Alchimiste Couronné, je pensais perdu. Voici ma citation : « En 1943, grâce à l’aide de Jean Cocteau, Jean Genet sort de prison. Le 1er mars, Paul Marihien, le secrétaire de Cocteau, signe un contrat avec Genet pour l’écriture d’une pièce de théâtre sur Héliogabale. Inspirée probablement par le texte d’Artaud. Cette pièce était destinée à Jean Marais, que Genet aimait, mais Marais l’a refusée, la trouvant trop audacieuse et trop orientée vers les thèmes homosexuels, ce qui pourrait nuire à son image. Accablé par ce rejet, Genet a détruit la pièce en la brûlant.» (Héliogabale ou l’Alchimiste Couronné)
Il est important de se rappeler que Paule Thévenin, l’éditrice d’Artaud, fut également une amie intime de Jean Genet et s’occupa de son œuvre.
Je saisis cette occasion pour évoquer un peu mon livre, Héliogabale ou l’Alchimiste Couronné. Parmi les ouvrages que j’ai écrits, certains me tiennent particulièrement à cœur, comme The Bachall Isu, La Canne de Saint-Artaud, ou encore le récent Artaud le Marteau, Asile Drogue Électrochoc. Cependant, Héliogabale ou l’Alchimiste Couronné demeure, à mes yeux, l’œuvre la plus importante que j’ai pu composer. Je suis conscient que ce livre peut ne pas être facile d’accès, pouvant paraître étrange ou dérangeant pour certains. D’autres pourraient croire que j’ai tenté, à travers Artaud, de véhiculer mes propres idées. Ce n’est pas le cas. Ce livre est le fruit de dix ans de travail. Même si j’ai pris certaines libertés, cela n’avait pas pour but d’imposer ma vision sur des sujets auxquels je n’étais initialement pas initié, mais plutôt parce que j’ai été inspiré par le style d’Artaud et, surtout, parce que j’ai voulu clarifier, rendre accessible et approfondir des idées déjà complexes et troublantes d’Artaud. Pour rédiger ce livre, je ne me suis pas contenté de lire Artaud, mais j’ai également cherché à comprendre les auteurs et les œuvres qui l’intéressaient. Comprendre la logique de ces idées, en particulier sur des thèmes hermétiques comme l’ésotérisme auxquels je n’étais pas familier, fut un défi qui m’a pris des années. Mon but en écrivant ce livre n’était pas de séduire, mais plutôt de guider le lecteur et moi-même vers une compréhension d’Artaud que l’on explore rarement. Contrairement à mes autres écrits sur Artaud, cet ouvrage se concentre davantage sur l’essence de sa pensée qu’il ne revient sur les anecdotes de sa vie. Les découvertes faites au cours de la rédaction de ce livre étaient inattendues. J’ai choisi de ne pas faire un livre qui plaira à tout le monde, mais en prenant des libertés de rester fidèle au texte, présentant des idées philosophiques inhabituelles et pourtant simples qui dépassent le sujet d’Artaud lui-même. Je comprends que ce texte d’Artaud a dérouté plus d’un, mais Héliogabale ou l’Anarchiste Couronné, tel qu’écrit par Artaud, propose un voyage sans compromis. On s’y engage totalement ou pas du tout. Prendre la décision de se lancer demande un investissement personnel conséquent et conduit à remettre en question de nombreuses choses. Mais je vous conseille ce livre d’Artaud de le lire car il cache des richesses insoupçonnées. Et, peut-être plus que jamais en ces temps difficiles, nous en avons besoin.
Ici, vous pouvez télécharger en version française le premier numéro de la revue bimensuelle « Écho Antonin Artaud ». Ce petit livre de 29 pages, illustré de magnifiques images en couleur, explore l’actualité d’Artaud. Voici un aperçu du contenu de ce numéro :